samedi 5 mai 2012

Etre aimé


"Tu seras aimé lorsque tu pourras montrer ta faiblesse sans que l’autre s’en serve pour montrer sa force."

Étrange citation que l'on prête à Theodor Adorno ou à Cesare Pavese, que je n'ai toujours pas comprise. J'en suis resté à une version plus personnelle : "J'aimerai lorsque je pourrai montrer mes faiblesses sans que l'autre s'en serve pour montrer sa force". Quelle prise de risque !

2 commentaires:

  1. Écoute-moi. Voici la chose nécessaire :
    Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ?
    Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu,
    C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime.
    Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même,
    Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons,
    Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons !
    Il faut que de mon âme une autre âme se double,
    Il faut que, si je suis absent, quelqu'un se trouble,
    Et, me cherchant des yeux, murmure : Où donc est-il ?
    Si personne ne dit cela, je sens l'exil,
    L'anathème et l'hiver sur moi, je suis terrible,
    Je suis maudit. Le grain que rejette le crible,
    C'est l'homme sans foyer, sans but, épars au vent.
    Ah ! celui qui n'est pas aimé, n'est pas vivant.
    Quoi, nul ne vous choisit ! Quoi, rien ne vous préfère !
    A quoi bon l'univers ? l'âme qu'on a, qu'en faire ?
    Que faire d'un regard dont personne ne veut ?
    La vie attend l'amour, le fil cherche le noeud.
    Flotter au hasard ? Non ! Le frisson vous pénètre ;
    L'avenir s'ouvre ainsi qu'une pâle fenêtre ;
    Où mettra-t-on sa vie et son rêve ? On se croit
    Orphelin ; l'azur semble ironique, on a froid ;
    Quoi ! ne plaire à personne au monde ! rien n'apaise
    Cette honte sinistre ; on languit, l'heure pèse,
    Demain, qu'on sent venir triste, attriste aujourd'hui,
    Que faire ? où fuir ? On est seul dans l'immense ennui.
    Une maîtresse, c'est quelqu'un dont on est maître ;
    Ayons cela. Soyons aimé, non par un être
    Grand et puissant, déesse ou dieu. Ceci n'est pas
    La question. Aimons ! Cela suffit. Mes pas
    Cessent d'être perdus si quelqu'un les regarde.
    Ah ! vil monde, passants vagues, foule hagarde,
    Sombre table de jeu, caverne sans rayons !
    Qu'est-ce que je viens faire à ce tripot, voyons ?
    J'y bâille. Si de moi personne ne s'occupe,
    Le sort est un escroc, et je suis une dupe.
    J'aspire à me brûler la cervelle. Ah ! quel deuil !
    Quoi rien ! pas un soupir pour vous, pas un coup d'oeil !
    Que le fuseau des jours lentement se dévide !
    Hélas ! comme le coeur est lourd quand il est vide !
    Comment porter ce poids énorme, le néant ?
    L'existence est un trou de ténèbres, béant ;
    Vous vous sentez tomber dans ce gouffre. Ah ! quand Dante
    Livre à l'affreuse bise implacable et grondante
    Françoise échevelée, un baiser éternel
    La console, et l'enfer alors devient le ciel.
    Mais quoi ! je vais, je viens, j'entre, je sors, je passe,
    Je meurs, sans faire rien remuer dans l'espace !
    N'avoir pas un atome à soi dans l'infini !
    Qu'est-ce donc que j'ai fait ? De quoi suis-je puni ?
    Je ris, nul ne sourit ; je souffre, nul ne pleure.
    Cette chauve-souris de son aile m'effleure,
    L'indifférence, blême habitante du soir.
    Être aimé ! sous ce ciel bleu, moins souvent que noir,
    Je ne sais que cela qui vaille un peu la peine
    De mêler son visage à la laideur humaine,
    Et de vivre. Ah ! pour ceux dont le coeur bat, pour ceux
    Qui sentent un regard quelconque aller vers eux,
    Pour ceux-là seulement, Dieu vit, et le jour brille !

    Victor Hugo
    Qu'on soit aimé d'un gueux, d'un voleur, d'une fille,
    D'un forçat jaune et vert sur l'épaule imprimé,
    Qu'on soit aimé d'un chien, pourvu qu'on soit aimé !

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  2. Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
    D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
    Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
    Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

    Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
    Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
    Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
    Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

    Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
    Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
    Comme ceux des aimés que la Vie exila.

    Son regard est pareil au regard des statues,
    Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
    L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

    Verlaine, Mon rêve familier.

    l'amie de vos mots

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